l’art, c’est la vie

– mardi 2 décembre 2025 à 19h

L’artiste et écrivaine Else von Freytag-Loringhoven (1874-1927), longtemps oubliée, a été redécouverte à partir des années 1980. Celle que l’avant-garde new-yorkaise surnommait « la Baronne » s’est alors vu attribuer Fontaine, le célèbre urinoir de 1917 signé R. Mutt, même s’il est désormais établi qu’elle n’en est pas l’auteure. À New York dans les années 1910, on admire cette baronne allemande sans le sou pour sa manière d’incarner Dada, dans son travail de modèle comme dans les performances qu’elle improvise hors de l’atelier. Elle écrit aussi : des poèmes, publiés par la revue d’avant-garde The Little Review avant d’être censurés pour obscénité (à côté de l’Ulysse de Joyce dont elle prit la défense), ou un récit autobiographique, qu’elle centre sur sa quête de l’orgasme en réclamant ses sex rights… Ce qui caractérise EvFL (sa signature), c’est que l’art, c’est la vie.
À New York, réunie autour de Marcel Duchamp, l’avant-garde du début du XXe siècle ne se constitue ni en mouvement ni en école. En découle un art sans œuvre ni auteur, soustrait aux règles du marché. EvFL s’inscrit dans ce moment, répondant par ses objets trouvés aux objets « tout faits » de Duchamp, en particulier à l’événement que fut l’urinoir de 1917. En s’attachant à son parcours, on peut relire tout Duchamp, des Boîtes-en-valise jusqu’à Étant donnés. Alors que l’histoire féministe de l’art vise à introduire une différence dans le canon, il ne suffit pas d’ajouter des artistes femmes à un panthéon de grands hommes. L’enjeu de cette première monographie française consacrée à Else von Freytag-Loringhoven n’est pas de faire admettre une artiste méconnue à la table des grands hommes, mais de redessiner cette table.