le sentier, collection 2018-2019

le sentier, collection 2018-2019

vendredi 15 juin 2018 à 19h00

Rencontre avec Nadine Vasseur – auteure du livre-enquête Il était une fois le Sentier (éditions Liana Levi) –, l’historienne Judith Lyon-Caen et les historiens Farid Chenoune et Philippe Artières. Soirée ouverte à toutes les formes de témoignage concernant le Sentier. Une rencontre organisée par Manuel Charpy, à l’occasion du lancement de sa résidence d’écriture à la Librairie Petite Égypte.

Collecte d’histoires du Sentier – La Librairie Petite Égypte et l’historien Manuel Charpy (CNRS) souhaitent recueillir des récits personnels et professionnels, des objets, des photographies et toutes archives possibles sur la confection dans le Sentier, ses actrices et acteurs, de 1830 jusqu’à aujourd’hui. Passez nous voir ! Librairie Petite Égypte, 35 rue des Petits Carreaux, Paris 2ème.

Ce texte sera bientôt placardé dans le quartier. Avis à toutes et tous : la collecte commence le 15 juin lors de cette première rencontre. Après Frédérique Aït-Touati (janvier-novembre 2017), la Librairie Petite Égypte accueille en résidence Manuel Charpy, historien de la mode, du vêtement et du textile, dont le projet est d’écrire une histoire matérielle du Sentier de 1830 à nos jours. La résidence d’écriture est un programme soutenu par la Région Ile-de-France.
« Retour au Sentier

Après avoir travaillé sur les mondes de la confection (Ajustements) et sur les migrations ouest-africaines (Lettres d’émigrés) qui croisent le Sentier, mon projet en cours m’a une nouvelle fois appelé dans le Sentier. Rien d’évident cette fois, tant je croyais en être loin. En écrivant l’histoire longue de la manière dont les Congolais s’emparent de la mode parisienne en même temps que de la langue – « on exaspère le français » disent-ils –, les archives conduisaient dans le quartier de la confection. Les premiers immigrés congolais, fondateurs de la provocante association des « Savoyards de Brazza » (les Savoyards désignaient à Paris les ramoneurs), y étaient installés dans les années 1920-1930. Les visites de la police parisienne réclamées depuis Brazzaville les montrent en concubinage avec des couturières et des ouvrières en fourrure, dans des appartements exigus mais encombrés de vêtements élégants. Et quand la police coloniale fait saisir la correspondance du leader politique André Matsoua Grenard, elle est déroutée : ses échanges entre le Sentier et Bacongo s’attardent sur la question des tours de col, des longueurs des poignées, des toques de fourrure, de coupes de gilets…

Retour au Sentier. D’abord par la mode, celle du quotidien, de la confection de l’ordinaire, davantage que celle de la haute-couture qui se fait à l’Ouest. Écrire sur la mode et le vêtement, sur le travail à Paris, sur les migrations et s’intéresser aux écrits de ces mondes conduit un jour à arpenter le Sentier. Mais dans une perspective qui veut tenir ensemble le passé et le présent, l’histoire et la mémoire.

Là où la mode se plaît à l’évanescence et offre un rêve qui fait disparaître les lieux et les gens au travail, le Sentier oppose son territoire. Espace réduit, il condense l’histoire de la mode, ses hiérarchies, ses savoir-faire, ses phénomènes d’imitation, ses réussites miraculeuses et ses échecs violents, le jeu douloureux de la localisation et de la délocalisation, et toutes les populations ou presque immigrées à Paris – Allemands et Belges des années 1860, Juifs russes fuyant les pogroms, Arméniens rescapés de l’empire ottoman, Juifs polonais échappés du nazisme, Juifs du Maghreb arrivés après les Indépendances, Turcs et Kurdes fuyant la dictature, Yougoslaves dont l’arrivée est organisée par les États, Pakistanais, Bengalis, Maliens, Chinois du Wenzhou…

Une résidence – résider sur un territoire – répond à ce désir d’un lieu où peut se fabriquer l’histoire et ses récits dans les lieux mêmes où ils sont nés. Pour le dire autrement : la Petite Egypte semble le lieu idéal pour confronter une écriture de l’histoire a ses témoins. »

Manuel Charpy